En kayak sur la mer de Corail!
Samedi 15 octobre 2022, 8h du matin. Je suis bien à l'heure pour mon cours de voile avec Rose-Lee, la monitrice du Yacht Club. En effet, depuis quelques mois, je me suis lancé dans l'apprentissage de la navigation sur un Hobie Wave, sorte de petit catamaran. J'ai quelques bases en manœuvre de bateau sur 420 (prononcer « quat’ vingt » ou encore « quatre cent vingt ») mais comme ils n'ont pas ce type de dériveur ici, je me suis déporté sur le plus petit voilier de leur magnifique flotte.
Toujours est-il qu'à cet instant, je me trouve face à la mer, côte à côte avec Rosee-Lee. Nous constatons que l'étendue liquide est d'huile, pas un souffle de vent. Il faut se rendre à l'évidence, ce n'est pas le bon moment pour prendre la mer avec un engin à voile.
À cet instant précis, je vois un jeune homme en train de mettre à la mer une pirogue à balancier, de celles que l'on ne trouve qu'en Papouasie. Bien-sûr, c'est la version sportive, en aluminium et plastique. Il n'en faut pas plus pour me donner l'envie d'essayer.
Pas de chance, il faut être membre d'une association pour se servir d'une telle embarcation ! Bon, est-ce que le Yacht Club propose de naviguer avec ce genre de canoë ? Non plus. En revanche, il y a un kayak disponible. Ça marche ! Va pour le kayak. Un grand classique. Au moins, je serai tout de suite à l'aise.
Rose-Lee me conseille d'aller sur la droite en sortant de la Marina et de prendre comme objectif l'épave de ce bateau militaire, coulée par la flotte nippone pendant la Seconde Guerre Mondiale. Ah, mais cela me plaît ! Je me mets à la mer et c'est parti.
Quelques coups de pagaie dans le port et je longe tantôt des yachts flambants neufs côtoyant des rafiots de fortune, tantôt des navires destinés aux sorties touristiques dans les alentours, notamment vers l’ile de Fishermen island. Et me voilà dépassant enfin le chenal. À moi la liberté !
Devant moi s’étend le Fairfax Harbor, la porte d’entrée du pays (pour ceux arrivant par bateau bien-sûr). Deux immenses bâtiments trônent fièrement au milieu de l’anse. Solidement amarrés, ils n’ont pas l’intention de reprendre la mer avant longtemps. Je les snobe et me dirige vers l’île de Tatana. C’est là, à quelques encablures de la côte et du village sur pilotis d’Hanuabada, que se dresse l’épave.
C’est d’abord une masse informe de fer et d’acier qui se détache de la surface liquide, puis après quelques moulinets réguliers, je commence à discerner une coque. Un silence de mort enveloppe le lieu. C’est ici, que le 18 juin 1942, le déluge de feu d’un raid aérien japonais s’abattait sur le MV MacDhui, vaisseau de l’armée australienne, tuant 4 membres d’équipage, sans parvenir à le couler complètement.
Aujourd’hui, je suis seul face à ce témoin de la guerre du Pacifique et, en faisant doucement le tour de l’épave, je sens monter en moi l’émotion. Couchée sur le flan, la relique tout juste âgée de 80 ans, repose tranquillement sur le bord du récif corallien.
De haut en bas et de gauche à droite: Le MV MacDhui à son arrivée le 15 juin 1942 dans Fairfax Harbor qu’il n’a pas quitté depuis. Le bombardement du 18 juin 1942. Et son épave, vue du ciel, aujourd’hui.
Allez, le soleil commence à taper fort, je dois rentrer.
Je ne peux m’empêcher de longer le village en bois tout prêt et saluer les habitants qui me font des signes de la main. Ici et là, des enfants s’amusent dans l’eau et ramassent du plastique.
J’adresse un « Gud pla day lo you » qui m’est renvoyé quand je parviens à leur niveau. Là, un pêcheur assis sur un rafiot pas plus grand que le mien, mais plus traditionnel, s’active avec sa ligne. Je lui lance : « Do you live here ? » « Yes, here » me dit-elle en pointant l’une des cahutes au loin. « Hanuabada village ? ». « Yes, Hanuabada » me répond-elle avec un large sourire et probablement amusé par mon accent. C’est vrai que dire « Hanuabada village » est redondant puisque la signification du nom est ‘gros village’ en langue Motu.
Je continue ma dérivation pour finalement atteindre la toute récente Ambassade américaine, puis la résidence de Peninsula ou vivent certains de nos collègues de TotalEnergies et enfin la Marina pour retourner le bateau à son propriétaire.
En définitive, à défaut de vent et de voile, quelle belle matinée m’a fait vivre ce petit kayak !